CDV / ISLANDE

ISLANDE

Publications :
CHARACTER MAGAZINE, issue 12 Spring / Summer 2014


Approche curieuse et vagabonde, serpentant tantôt la route des hommes, et tantôt celle de ces esprits islandais qui façonnent leur propre paysage. Les pierres délicatement posées les unes sur les autres, le long de ces routes, marquent éphémèrement le passage non attendu de voyageurs gourmands, alors que bientôt sans doute l'une de ces montagnes qui borde l'horizon, viendra cracher ses roches monumentales sur ces décors en équilibre, comme pour ricaner à la petitesse des hommes. Le patrimoine naturel de l'île est immense. Il s'exprime à perte de vue à travers ses chants lourds de lave, et ces cours d'eau, aux itinéraires parfois incertains, qui peuvent transformer d'un solstice à l'autre, un pâturage verdoyant en une terre de boues cendrées. Ici, il serait totalement incongru de se demander où se cachent les grands édifices historiques, bien qu'un tout petit nombre subsiste encore. Deux seules pierres gravées témoignent, au creux du lit d'une faille vertigineuse, l'existence de l'un des parlements les plus vieux au monde, sans cesse foulé par de nombreux touristes chaque année, lorsque la végétation se pare de ses plus belles couleurs, avant de retrouver son calme naturel, glacial et solitaire. Osmose presque parfaite de s'incliner au pied de Vatnajökull, le plus grand glacier d'Europe, trempé par une pluie battante, fébrile, face à un vent puissant, grelottant par le froid qui augmente à chaque pas de plus, lorsque l'on se rapproche de ce géant. Osmose presque parfaite, avec un regret certain de ne pas pouvoir s'élancer plus en avant, tenue correcte exigée, en amont de ce fleuve de glace, et sentir le craquement des glaces sous le poids ridicule des hommes. Sentiment similaire dans les hautes terres devant ce monstre attachant que l'on nomme ici Hekla, lui dont la puissance immobilise nos congénères dans leurs ballets aériens. L'Islande est belle d'une force qui nous dépasse et qui nous nargue, comme la danse des baleines aux larges des cotes, les mouettes en escadrilles, qui sur leurs falaises basaltiques, savent vous rappeler que l'édifice leur appartient, ou encore ce jeune renard blanc qui s'élance dans la rocaille devant un objectif que l'on tarde trop à dégainer et qui, avant de disparaître avec agilité, vous jette un regard narquois. Valeur inestimable de rentrer chez soi fort de toutes ces images, sentiment de culpabilité face à la vision d'une société ultra matérialisée, bercé par la dérisoire parade de nos caprices. L'Islande est comme un père, une mère, qui chuchoterait à leurs enfants l'intérêt de se recentrer sur leurs réels besoins, et non pas sur le pauvre étendard de nos convoitises ; puissent les hommes restituer ce qu'ils auront pu saisir un jour.